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Fragments - Alexandre LABORIE
« Je ne peux donner de moi, de mon moi tout entier, nul autre échantillon, qu’un système de fragments, parce que je suis moi-même quelque chose de semblable. » Frédéric Schlegel. Passionné de poésie classique et contemporaine, auteur de chansons et de poésies. A de nombreuses reprises, j’ai collaboré avec France musique : participation à une composition littéraire originale de 4 cycles poétiques sur le thème de « la vie » à partir de l’oeuvre 'MLÀDI' du compositeur Leos JANACEK puis lecture de certains de mes textes dans le cadre de l’émission « les contes du jour et de la nuit » de Véronique SAUGER. J’aime travailler avec des artistes aux univers très différents. Avec les musiciens Lucas Mazeres et Guillaume Itié de la « Compagnie Écoutez Voir », j’ai ainsi participé à la création de « la Planète blanche », conte musical dont j’ai écrit le livret. J’ai publié un recueil de poésies en 2010 (L’Evidence - éditions PREtexte). Certains de mes textes ont également l’objet de publications diverses (revue de poésies, ouvrages collectifs des éditions « Épingle à nourrice »). Bienvenue à toutes et à tous!
Well Aged, Hernan Bas
Vital
J’écris sur cette feuille pour lancer quelque chose en direction de quelqu’un.
Une chose que je ne connais pas, quelqu’un que je ne connais pas.
Pourtant j’écris, si je n’aligne pas ces mots, je sais ce qui m’attend.
Ce vide qui appelle le vide, ce vertige de la voix perdue, de ce monde bloqué dans la gorge, aussi violent que l'indifférence.
Il y a mon reflet dans ce miroir et ce rictus sur mes lèvres, esquisse d'une lucidité froide.
L’insaisissable soudain saisi.
Le souvenir des nuits d’amour (mais était-ce de l’amour ?) que je poursuis le jour venu, le temps qui passe, cette obscurité brute chargée de renoncements, de lâchetés, cet autre qui n’est autre que moi, tous ces masques soudain enlevés, en même temps.
J’écris dans cette seconde-là, celle du dévoilement, et je le fais pour des raisons parallèles et contradictoires : je regarde en face autant que je fuis, je garde autant que j’oublie.
Je plonge façon mineur dans mes désordres majeurs et mon stylo arrache un charbon que je brûle au feu de cette page.
Ecrire dans cette seconde pour en trouver une autre plus sereine.
Se droguer à ce rituel, à cette hésitation, à ce moment que je sais inéluctable et que je joue à repousser pour me faire peur, à ces couloirs sur les côtés, que j’emprunte en attendant, comme autant d’impasses choisies et assumées.
Se droguer à cette peur et finir par la combattre.
Ecrire, ma seule certitude en réalité.
Mais une certitude cachée, une lumière fragile mais fidèle qu’il faut extraire des obscurités qui me composent.
J’écris, j’aligne mes mots qui n’ont rien d’aligné, je sais, je sens la chaleur de ce sang qui se renouvelle au fil des
phrases, cette mâchoire qui se desserre, autorisé par cet élan, je gagne mon petit répit, mon droit à pouvoir rester ensuite à observer le monde comme halluciné par ce qu’il me révèle.
L’écriture est autant la jouissance de la possibilité de la route que la jouissance de la route elle même.
Les combats intérieurs, les révoltes éternelles, ces visages et ces corps imprimés à jamais, les images émouvantes d’une mémoire retrouvée et toutes ces immensités que je voudrais saisir dans mes bras sont la sève de cet élan.
Pour atteindre cette seconde, celle d’un souffle supplémentaire et provisoire.
Vital.
Alexandre LABORIE