Pierre et Paul sur la voie du martyre, Giovanni Serodine.
Soit le tableau de Serodine, conservé à la Galerie nationale d’art antique de Rome, qui représente la rencontre des apôtres Pierre et Paul sur la voie du martyre.
Comme on peut le voir, les deux saints, au centre du tableau, sont encerclés par la gesticulation des soldats et des bourreaux qui les conduisent au supplice.
Les critiques ont souvent souligné le contraste formé par la rigueur héroïque des deux apôtres et le remue-ménage de la foule, éclairée ça et là par des taches de lumière qui éclaboussent comme au hasard les bras, les visages et les trompettes.
Pour ce qui me concerne, je considère que ce qui rend cette peinture proprement incomparable, c’est que les deux apôtres sont tellement rapprochés par Serodine, avec leurs fronts presque collés l’un contre l’autre, qu’ils ne peuvent absolument pas se voir. Sur la voie du martyre, ils se regardent sans se reconnaître.
Cette impression d’une proximité pour ainsi dire excessive est renforcée par le geste silencieux des mains qui, en bas de l’image, à peine visibles, se serrent.
Il m’a toujours semblé que ce tableau contenait une allégorie parfaite de l’amitié.
Qu’est-ce, en effet, que l’amitié, sinon une proximité telle qu’on ne peut s’en faire ni une représentation, ni un concept ?
Reconnaître quelqu’un comme ami signifie ne pas pouvoir le reconnaître comme « quelque chose ».
On ne peut pas dire « ami » comme on dit « blanc », « italien », « chaud » - l’amitié n’est
pas la propriété ou la qualité d’un sujet ».
Giorgio Agamben (L’amitié - Rivages poche/Petite bibliothèque).