Le phare
Le phare, perdu.
Touché au cœur, mais pas coulé
Se dresse au milieu des ruines
Dans l’eau croupie, l’odeur d’urine
C’est là que je l’ai rencontré
Assis par terre sur le gravier
Ce beau jeune homme qui m’a souri
Un jour d’été en Somalie
Mâchant du qat, fumant du hasch
On a discuté un instant
De tout, de rien, du temps trop lâche
Des rêves à vivre en grandissant
En haut du phare il m’a parlé
De la vie d’ici, autrefois
Les marchands d’or sur les allées
Les familles le soir sur les toits
Du ballet des longues voitures
Qui se garaient à l’ambassade
L’effervescence entre les murs
Le front de mer et ses ballades
C’était le temps de ses parents
La guerre a tout changé depuis
Du phare où nous tuons le temps
C’est le silence de l’oubli
C’est l’herbe recouvrant les pierres
Quelques objets ici ou là
Que le vent fait sortir de terre
Sourde angoisse du calme plat
Et ce phare qui ne sert plus
Aux voyageurs perdus en mer
C’est l’âme de tous les disparus
De ce jeune homme qui espère.
Alexandre LABORIE